par Max Winiger
Il est, de base, dans notre intérêt à tous que le système de santé fasse l’objet d’une gestion efficace. Les primes des caisses-maladie représentent en effet une lourde charge financière pour les ménages. Le niveau de participation directe aux coûts de certaines prestations de santé spécifiques est également, en Suisse, plus élevé que dans d’autres pays. Il est toutefois frustrant de voir que les chiffres communiqués à l’aide d’études par le Conseil fédéral premièrement, se basent sur des données totalement obsolètes, deuxièmement, utilisent des calculs pour le moins douteux et troisièmement, clouent au pilori l’ensemble d’une profession qui ne le mérite pas.
A quel revenu peut prétendre un médecin?
Toutes les branches ont leurs moutons noirs. De même, en médecine, où dans certains cas, le retour pécunier n’est plus légitime au regard des standards de la profession. Cela dit: à quel revenu peut prétendre un médecin? Quel est son niveau de responsabilité? Quelle valeur a la qualité des soins médicaux pour notre société? Certes, la transparence n’est pas forcément la première vertu en médecine. Mais de quoi est-il réellement question? Un médecin a-t-il le droit de gagner plus qu’un électricien, un installateur sanitaire, un programmeur IT? Et puisque nous y sommes: le CEO d’une caisse-maladie – il y a en Suisse 52 caisses-maladie pour huit millions de personnes –, le CEO d’une caisse-maladie donc, a-t-il droit à un salaire de 300'000 francs? 500'000 francs? Pourquoi? Pourquoi pas?
A quel revenu peut prétendre une chirurgienne ou un chirurgien de la main après plus de dix années de formation et de spécialisation complémentaires à ses études de base? Car la main est, en elle-même, un monde à part. Sans des mains qui fonctionnent, le médecin ne peut pas soigner ses patients, l’électricien ne peut pas travailler, ni d’ailleurs l’installateur sanitaire, ni le banquier. Comment vous servez-vous de votre smartphone? Comment, moi, j’écris ce texte? Le développement de la main humaine est l’une des sources principales du développement de l’homme en général. Nos mains monopolisent un quart du cortex cérébral humain.
Elever le débat
Si l’on s’intéresse de plus près à la merveille que constitue la main, si l’on prend conscience de la valeur de la main, si l’on réalise l’importance centrale que représentent des mains en intactes, on prend alors toute la mesure du service crucial que les médecins fournissent à notre société. Dans tous les domaines. La chirurgie de la main n’est qu’une spécialité. Les médecins spécialistes donc, mais les généralistes eux aussi, contribuent chaque jour au bien-être et à la prospérité de notre société. Le temps semble venu d’élever le débat. Il devient lassant de n’aborder encore et toujours le sujet du seul point de vue du revenu et d’attiser les jalousies. Il est indigne de voir un ministre de la santé alimenter les tensions en diffusant aux médias des chiffres obsolètes et tout simplement faux.
Cela ne vaut d’ailleurs pas que pour les médecins, mais aussi pour les plus de 40'000 soignantes et soignants Spitex et le personnel médical dans son entier, tous secteurs confondus, qui s’engagent jour après jour (et pour beaucoup souvent nuit après nuit) pour que notre pays dispose, grâce à l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, d’un exceptionnel niveau de performance et que chacun puisse compter sur la certitude de bénéficier d’une médecine de la plus haute qualité. Dans une société, soit dit en passant, de plus en plus vieillissante.
Huit opérations sur dix en ambulatoire
Les chirurgiennes et chirurgiens de la main fournissent un travail extrêmement précieux. Ils tendent la main en vue d’établir un dialogue constructif. Ils réclament, de manière légitime, des négociations justes et enfin, une structure tarifaire qui reflète la valeur de leur activité. On ne peut laisser s’établir une situation où il ne vaille plus la peine pour la chirurgienne ou le chirurgien de la main de prendre son scalpel pour opérer des pathologies fréquentes (comme le syndrome du canal carpien). On ne peut non plus accepter qu’année après année, les baisses de tarif ciblent, justement, la chirurgie de la main. D’autant que c’est une discipline qui pèse peu sur les coûts de santé. Huit opérations sur dix se font déjà, à l’heure actuelle, en ambulatoire.
Il s’agit au final de création de valeur. Il s’agit de décider quelle valeur a une discipline, un travail pour la société. Car c’est une évidence: la santé a son prix. Un très bon système de santé ne peut être bon marché. Et la qualité, surtout, des soins médicaux a une valeur élevée. C’est de cette valeur qu’il faut parler avant tout – dans le cadre d’une discussion basée sur des faits actuels, transparents et non sur des données obsolètes ou faussée.